28/08/01
Matt Smith
BANG, BANG, BANG, BANG, BANG, BANG, BANG, BANG, BANG, BANG, BANG,
BANG, BANG, BANG, BANG, BANG, BANG, BANG, BANG, BANG, T'es mort.
Plus de mois après que la police ait tiré plus de 20 fois sur
Stelley, ils ne fournissent toujours pas leurs rapports sur sa
mort. Par Matt Smith
Durant
les premières semaines de mai 68, la police sillonnait les rues
parisiennes jusqu'à l'aube, cherchant les étudiants protestataires.
Ils attaquaient, battaient, dans certains cas violaient et tuaient
ceux qu'ils trouvaient. Les rapports officiels obscurcissaient
l'étendue de la brutalité. Mais les passants se souviennent des
pleurs étouffés et du bruit des coups émanant des camionnettes
de policière fermées. Des docteurs ont décrit l'interdiction qui
leurs avait été donnée de soigner les blessures des victimes.
Mesha
Irizarry, une femme française de disposition solide et énergique
se souvient. Elle a immigré plus tard aux Etats Unis et entama
une nouvelle vie. Mais elle n'a pas oublié le cauchemar de 68.
" Cela m'a laissé une empreinte permanente ", dit Irizarry, mais
avec le temps, sa peur de la police s'était estompée. " A cause
de ma profession, j'ai transcendé tout ça. Je donne des séminaires
la police, je coopère avec eux ".
Irizarry
a passé sa vie en Amérique à travailler pour les désavantagés,
drogués, sans-logis, immigrants, femmes battues en fuite. A présent
directrice pour une organisation à but non lucratif à Hayward,
qui gère 2 refuges de violence domestique et une refuge pour sans
abris. Elle a donné des séminaires aux officiers de police à propos
de leur réponse aux situations des femmes battues, aux situations
impliquant l'abus de substances, et aux manifestations publiques,
de problèmes psychologiques. Elle décrit sa présentation la plus
récente, en février 99 : " C'était un training sur l'usage de
coercition physique par les autorités policières, et leurs interventions
face à la violence ",dit Irizarry. " Je leur ais parlé des problèmes
d'abus de substance, de la santé mentale, ce qui me reste surtout
dans l'esprit c'est que je leur parlais de l'usage excessif de
la force ".
Le
mercredi 13 juin 2001, Irizarry a reçu un appel de Summer Galbreath,
la fiancée de son fils de 23ans. Le fils, Idriss Stelley, traité
pour dépression depuis l'age de 7ans, avait souffert d'un épisode
de décompensation psychologique dans l'une des salles de cinéma
du Métréon Multiplex, au sud de la rue Market. Galbreath demande
à la femme qui allait devenir sa belle-mère ce qu'elle devrait
faire. " Elle m'a dit d'appeler la police à son aide ", se souvient
Galbreath. Elle le fait. Des officiers originaires de 3 stations
de police différentes arrivent et entre dans le complexe. Et certains
d'entre eux tirent sur Stelley, qui apparemment n'a pas de pistolet,
plus de 20 fois.
Idéalement,
à partir de ce point dans cette histoire, je décrirais exactement
ce qui a provoqué les officiers de police à tirer et tuer Stelley,
un Afro-Américain de forte carrure, étudiant en informatique.
J'étudierais le rapport du médecin légiste, je lirais le rapport
de police sur l'incident et avec mes collègues reporters envoyés
par les médias, je tenterais d'interviewer les 2 couples civils
qu'on a témoigné être présent dans la salle de cinéma pendant
la fusillade. Nous utiliserons tous les détails circonstanciés
et accessibles pour expliquer ce qu'il s'est passé dans les instants
suivant l'entrée des policiers dans la salle de cinéma.
S'il
s'avère vrai que les policiers ont vidé leurs chargeurs sur un
homme qui brandissait un outil à la lame de 3 centimètres, dont
l'usage et de peler l'écorce du bambou, comme l'atteste sa mère
; la ville entière pourrait être offusquée par nos reportages.
Idriss Stelley pourrait devenir la version San Franciscaine d'Amadou
Diallo, le noir sans arme que la police de New York a criblé de
41 balles dans une entrée de porte du Bronx . La révolte du public
pourrait provoquer une sérieuse réévaluation des procédures de
la police de San Francisco, ou même amener à l'expansion du training
spécial de la police en ce qui concerne leur intervention auprès
des gens en détresse psychologique. Cela pourrait amener les citoyens
de San Francisco, les autorités élues de la ville, et la police
elle même à se poser cette question : Est-ce qu'Idriss Stelley
a été abattu seulement parce qu'il était un noir agité, de forte
stature, en détresse psychologique ?
Mais
nous sommes en Californie, où la police n'a jamais à s'excuser,
donc nous ne pouvons pas obtenir le rapport du médecin légiste.
Le bureau de l'Examinateur Médical de la ville nous fait savoir
que le rapport ne sera pas prêt avant probablement quelques semaines,
c'est à dire environ 3 mois après que Stelley ait été tué. Et
ce n'est pas comme si l'autopsie elle même aurait pu prendre longtemps,
Stelley fut incinéré à la fin du mois de juin. ( Juste pour comparer,
le Comté de Santa Clara fournit plus de la moitié de ses rapports
d'autopsie dans les 24 heures suivant le décès, et leur vaste
majorité en moins de 60 jours. Dans des cas très rares, quand
une investigation policière additionnelle est nécessaire pour
déterminer la cause précise du décès, les autopsies peuvent prendre
d'avantage de temps, dit le médecin Légiste du comté de Santa
Clara, Grégory Schumk ).
Holy
Pera, Détective du Département Homicide de la Police de San Francisco,
me dit que le rapport de police sur l'incident, un document routinier
qui décrit tout évènement impliquant la police, ne sera pas rendu
public avant au moins un autre mois, malgré que dans des endroits
civilisés comme le Texas, les rapports homicides sont communément
fournis peu de jours après l'incident.
Pendant
ce temps, l'avocat de la partie civile qu'a engagé Irizarry pour
poursuivre une action en justice de mort injustifiée, a reçu le
rapport sur l'incident, mais dit que la police lui a demandé de
ne pas en communiquer le contenu à la presse, alors il s'en abstiendra.
Ce
camouflage obscurantiste ne constitue aucune violation légale
ou procédural. En Californie, il est tout à fait légal, même de
façon routinière, de faire ces tours de passe-passe, grâce à la
législation de Droit Public, pour dissimuler l'information pertinente
aux possibles bavures policières, aussi longtemps que nécessaire,
pour calmer la colère du public.
A San Francisco, on en fait pas mal sur le droit du public de
s'informer des manœuvres des officiels qu'il a élus. Des modifications
de l'Ordonnance soit disant " Sunshine " de la ville sont étalées
sur les bulletins de vote plus ou moins chaque année.
Des meeting informels, fermés au public, entre les membres de
telle ou telle commission, provoquent des articles enflammés sur
les violations des règles de meetings ouvert au publics.
Mais
la mort par balles de Stelley illustre qu'il y a un aspect de
vie ou de mort à l'accès public de l'information, et que dans
une importante mesure, les officiels élus de San Francisco sont
aussi cachottiers que ceux de la France Gaulliste.
Le Bureau du Médecin légiste a certainement procédé à l'autopsie
d'Idriss Stelley rapidement après la fusillade, le corps devait
bien, après tout, être brûlé. Retarder de soumettre les rapports
de police sur la fusillade est un exercice encore plus spécieux
dans le camouflage de la vérité. L'investigation policière initiale
aurait typiquement consisté à examiner la scène de l'incident
et d'interviewer les gens présents au moment de la fusillade.
Ceci, de même manière, aurait été accompli rapidement dans des
circonstances normales. Mais une exception ridicule dans la législation
des dossiers publics de Californie permet à la police d'empêcher
l'accès aux " dossiers d'enquête " aussi longtemps que bon leur
semble. La police peut, en fait, garder le secret sur les rapports
d'investigation même après qu'elle soit complètement achevée.
La loi de l'Etat interdit aussi aux municipalités d'interférer
avec les investigations policières, essentiellement castrant notre
fameuse ordonnance locale " Sunshine ".
Il
est permis à la police, et ils essaieront très certainement, d'empêcher
la publication de l'information sur la fusillade d'Idriss jusqu'à
ce que sa mémoire s'estompe de l'esprit du public. C'est la loi
et c'est exactement le cours suivi dans cette terre ensoleillée
de l'impunité policière.
Ici
en Californie, les soupçons de brutalité policière ne sont pas
modulés par l'outrage du public, qui apprend rarement assez sur
la brutalité pour se révolter. Au lieu de cela, les soupçons sont
gérés par les avocats à la partie civile, engagés par les familles
de ceux qui ont été prétendument brutalisés. Ce système a échoué
depuis bien longtemps à provoquer des changements ( toute information
nécessaire à l'assertion précédente tient en 4 lettres : L.A.P.D.,
la police de Los Angeles). Il est certain que si le cas de Stelley
peut servir de référence, cette confiance dans les tribunaux civils
sert à détourner les avocats, les victimes, les criminels et le
public et à embarquer la justice sur un très lent bateau pour
la Chine.
Cet
hiver, Andrew Schwartz, un avocat qui est spécialisé dans les
mauvais traitements sévères et les actions en justice pertinente
à la mort, s'attend à intenter deux actions en justice individuelles
de mort injustifiée de la part d'Irizarry et Galbreath. Il dit
qu'il désire que les faits de l'abattage de Stelley soit disséminés
par monts et par vaux. Dans cette intention, il a obtenu le rapport
de police initial sur la fusillade.
Et il refuse de rendre la rapport public, un rapport qui, dans
les Etats plus éclairés comme l'Arizona, serait presque instantanément
matière à publication.
"
Certainement les entretiens avec (l'Assistant) Chef (Earl) Sanders,
se sont passé aussi bien que l'on puisse s'y attendre. Il m'a
fourni le rapport initial " dit Schwartz, qui vient juste de revenir
de vacances. Je lui demande de voir le contenu du rapport.
"Idriss
est mort. Les raisons de sa mort doivent être rendues publiques.
Je ne pense pas que je dois être leur véhicule. Ce n'est pas mon
propos ; Mon propos est de poursuivre des remèdes civils de la
part de ma cliente. Chef Sanders m'a spécialement demandé de ne
rien révéler aux médias. J'ai dit que je ne le ferai pas, donc
je ne le fais pas "dit Schwartz.
Est-ce
que Sanders, je lui demande, vous a dit qu'il ne vous donnerait
le dossier qu'à condition que vous le cachiez à la presse ?
"
Pas pendant cette conversation " dit Schwartz. Alors, je demande
encore, pourquoi êtes-vous d'accord avec l'occulter ?
"
Ecoutez mon vieux, je suis un homme de parole "dit Schwartz. "
Si je suis d'accord avec leur philosophie, ça c'est un autre sujet.
Si vous avez à gérer beaucoup de cas, il n'y a rien de plus important
que votre parole ".
Si
vous allez poursuivre beaucoup de cas contre la Ville et le Comté
de San Francisco, j'imagine, cela serait mieux de garder des relations
cordiales avec les assistants chefs de police. Et si tout marche
comme prévu pour le cas de Stelley, Schwartz déposera bientôt
plainte contre la ville pour mort injustifiée. ( Il n'est pas
encore sure si il va le faire avant ou après son retour de vacances
).
Si la procédure usuelle est suivie, la ville et Comté de San Francisco
finiront éventuellement, en réponse aux actions en justice subséquentes,
par rétribuer financièrement à la fois Galbreath et Irizarry.
La transaction sera peut être publiée par le journal Chronicle,
mais, si donné suite, pas de manière prominente et superficiellement.
Et la fusillade ne méritera même jamais une réflexion dans la
conscience du public.
Peut
être ce système de camouflage officiel explique pourquoi la mort
par balles de Stelley s'est traduite en un dossier à la une, 1000
mots, pieds de nez dans l'issue du 09 août, journal cubain contrôlé
par l'Etat, Grandma. " Il ne se passe pas une semaine sans nouvelles
d'un cas d'extrême violence aux Etats Unis, à tel point que le
public nord-américain, non informé par la presse ou leur propre
police, en est arrivé à percevoir ce genre d'événements comme
quelque chose de banale" ainsi a exprimé le reporter de Grandma
sa version de l'évènement.
C'est
peut être pourquoi le gouvernement français a pris un intérêt
particulier dans le cas de Stelley, qui avait la double nationalité
Franco-Américaine. " Dans cette affaire, un jeune homme de citoyenneté
française a été abattu " dit Yo-Jung Chen, attachée de presse
au consulat français de San Francisco. " Nous sommes en contacte
avec diverses personnes qui sont dans la position de nous expliquer
comment cette tragédie a pu arriver. "
Irizarry
et d'autres travaillant dans la santé mentale décrient l'assassinat
de son fils comme un cas de manque de préparation de la part des
policiers, pour gérer les situations avec les personnes en détresse
psychologique. Bien sur, c'est entièrement spéculatif, la police
ne révèle pas ce qui s'est actuellement passé. Nonobstant, des
mesures avenirs devront être créées pour empêcher que cela se
reproduise.
A
peine quelques semaines avant que Stelley fut abattu, 37 officiers
de polices ont complété un training intensif de 40 heures sur
la gérance des personnes perturbées. Ce programme a été créé après
une lutte de 5 ans entre les activistes sur la santé mentale de
San Francisco et la police de la ville. IL y a 2 ans, Tom Ammiano
( Bureau des Superviseurs de la ville), a joint la controverse.
" Pendant 2ans, ça a été une jouxte avec le département de la
police, des tas de meetings, etc. On a rencontré de la résistance
de la part de la police, mais on a gardé la main sur la gâchette,
pardon pour le jeu de mots "dit Ammiano. Fin septembre ou début
octobre, dit Ammiano, il tiendra un forum public sur la mort par
balles de Stelley. Il discutera les possibilités d'augmenter les
fonds disponibles pour les séminaires de training de la police.
Ce serait une rétribution adéquate à la mémoire d'Idriss Stelley.
"
Ce qui reste fixé en moi, depuis que j'ai vu son visage, j'ai
vu seulement son visage, tout le reste de son corps était recouvert
de plastique opaque, au bureau du médecin légiste, c'est son sourire
" dit Irizarry, assise dans son salon baigné de lumière du quartier
Bayview. " Et je me suis demandé s'il souriait parce qu'il savait
qu'il touchait à la fin de sa souffrance émotionnelle, ou bien,
puisqu'il a toujours été un activiste social, intensément préoccupé
par la justice sociale, a t'il pensé : " Et bien, à présent je
m'en vais, peut être qu'il en sortira quelque chose de bon ? "
Traduit par Mesha Irizarry
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